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Allaiter dans l’espace public

La loi protège les personnes qui allaitent dans l’espace public

Allaiter partout et en tout temps est un droit inaliénable protégé par les lois canadiennes et provinciales. Les femmes ne doivent pas subir de restriction de liberté parce qu’elles allaitent et ne doivent pas être victimes de discrimination. Allaiter partout est un droit méconnu par de nombreuses personnes.

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Allaiter en toute tranquillité

Bien que l’allaitement puisse avoir lieu partout, certaines personnes préfèrent s’assurer de ne pas être dérangées durant l’allaitement, ou peuvent tout simplement chercher un endroit pour s’assoir à l’abri des intempéries. Il existe des réseaux dans plusieurs régions du Québec de lieux répertoriés où les femmes et les familles allaitantes sont assurées d’être bien accueillie. Consultez le répertoire des Routes du lait.

Faciliter l’allaitement dans l’espace public

Vous pouvez aussi contribuer à faciliter le geste d’allaiter dans l’espace public par différentes actions:

Affiche pour inciter à respecter les femmes et les familles qui allaitent dans l'espace public

L’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité, en 2022, une motion sur le droit d’allaiter dans l’espace public

Texte de la motion déposée et adoptée à l’unanimité :

«Que l’Assemblée nationale reconnaisse que l’allaitement dans un espace public est un droit; Qu’elle condamne par ailleurs toute entrave à ce droit; et Que l’Assemblée nationale encourage les mères qui le souhaitent à allaiter dans les espaces publics.»

 

Source : Journal des débats de l’Assemblée nationale

Allaiter dans l’espace public : un droit lié à l’autonomie procréative

Le droit à l’autonomie procréative (dans le cas des femmes, celui de décider pour soi ce qu’elles font de leur corps) est protégé par la Charte canadienne et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ce n’est pas nommément écrit, mais c’est par le droit à la liberté, à la vie privée, à l’égalité, à la sécurité que le droit à l’autonomie procréative est protégé. Donc la capacité d’allaiter et la décision de le faire dans l’espace public est une décision qui appartient à la femme. Toute forme de limitation dans l’espace public est une atteinte aux droits fondamentaux.


Au Canada

Allaiter dans les lieux publics est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

Extraits

  • Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi
    La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. (Article 15(1))
  • Égalité de garantie des droits pour les deux sexes
    Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes. (Article 28)

Cours suprême

Selon INFACT Canada, la Cour suprême du Canada n’a pas spécifiquement statué que la discrimination fondée sur l’allaitement est une discrimination fondée sur le sexe. Cependant, elle a statué en 1989 que c’était le cas pour la grossesse.

« […] on ne peut que se demander comment la discrimination fondée sur la grossesse pourrait‑elle être autre chose que de la discrimination fondée sur le sexe ? […] La discrimination fondée sur la grossesse est une forme de discrimination fondée sur le sexe à cause de la réalité biologique que seules les femmes ont la possibilité de devenir enceintes. »
Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 RCS 1219, 1989 CanLII 96 (CSC)


Au Québec

Allaiter dans les lieux publics est protégé par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Extraits

  • Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. (Article 4)
  • Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge […]. Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. (Article 10)
  • Nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d’avoir accès aux moyens de transport ou aux lieux publics, tels les établissements commerciaux, hôtels, restaurants, théâtres, cinémas, parcs, terrains de camping et de caravaning, et d’y obtenir les biens et les services qui y sont disponibles. (Article 15)
  • Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l’attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner. (Article 39)

Jurisprudence

Hors cours

  • Hiver 2010 dans un magasin de Trois-Rivières : une femme allaitant son bébé est priée de quitter sous la menace d’appeler la police. Le litige a été réglé en médiation à la satisfaction des deux parties. Clause de non-divulgation de l’accord…
    Expulsée d’un commerce parce qu’elle allaitait. Publié le 24 février 2010 par le Nouvelliste
  • Été 2010 dans un Walmart des Laurentides : une femme allaitante se fait demander d’allaiter ailleurs que dans le rayon pour enfants. Elle porte plainte après avoir discuté avec 2 gérants de l’endroit qui soutienne l’action de l’associée.
  • Automne 2007 dans un commerce d’un centre d’achat à Québec : une femme allaitant son bébé de 6 mois se fait demander par un commis de sortir du magasin prétextant qu’elle pourrait par son geste choquer des gens. La lettre d’excuses qu’elle reçoit mentionne qu’elle n’avait pas bien compris le commis.

Dans les autres provinces

Les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique incluent spécifiquement les droits des femmes qui allaitent dans leurs lois provinciales :

Vous avez été intimidée parce que vous allaitiez dans l’espace public?


Pistes de réflexions et d’actions possibles

Subir des remarques désobligeantes pour avoir répondu aux besoins de son bébé est inadmissible. Se sentir vulnérable, surprise, agressée ou en colère est tout à fait légitime. Se faire dire (même poliment) par quelqu’un ((employé, superviseur, gestionnaire, gardien de sécurité, etc.) que l’on ne peut pas allaiter dans un espace public, ou encore se faire demander de se déplacer vers une salle d’allaitement sont des formes de discrimination. Cela doit cesser !

Bien que vous n’ayez pas à le faire, dans le cas où vous souhaiteriez contribuer à faire connaitre ce droit, parce qu’il vous tient à coeur, par exemple, pour éviter que d’autres femmes se fassent intimider lorsqu’elles allaitent dans l’espace public, il est possible d’agir.

Afin de remettre les pendules à l’heure, notamment auprès des personnes qui ignorent que c’est un droit qui revient aux personnes allaitantes de décider quand et où elles allaitent, le MAQ et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) formulent quelques recommandations ci-dessous.

Si ça vous arrive...

  • Si vous avez été interpellée par un membre du personnel de l’établissement, et que vous vous sentez le courage de le faire, vous pouvez demander et noter le nom de la personne qui est intervenue.
  • De la même façon, si vous avez été interpellée par un(e) employé(e) ou un(e) gardien(ne) de sécurité, vous pourriez demander à parler à une personne en situation d’autorité (ex. : superviseur) sur les lieux.
  • Que vous ayez ou non pris note du nom de la personne ou de son employeur, si vous le souhaitez, vous pouvez vous tourner vers une ressource communautaire en allaitement (RCA) pour qu’elle fasse un suivi de la situation auprès des gestionnaires de l’espace public en question.
  • Si vous souhaitez dénoncer la situation, vous pourriez documenter ce qui s’est passé, par écrit, avec l’aide d’un(e) proche. Avec votre témoignage, il sera plus facile de voir à ce que la situation soit corrigée.
  • Vous pourriez ensuite décider – ou pas – de déposer une plainte interne auprès de l’établissement si une telle procédure existe. (C’est le cas, par exemple, s’il s’agit d’un établissement de santé ou lié aux services publics).

Si cela ne fonctionne pas, il est possible de tenter un recours auprès de la CDPDJ

  • Déposez une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). En plus du suivi qui sera fait auprès des gestionnaires de l’espace public en questions, il est possible de solliciter une compensation financière ou de suggérer qu’un don soit remis à une ressouce communautaire en allaitement (RCA) de votre région ou au MAQ.
  • Un formulaire en ligne est disponible sur le site de la CDPDJ. Il peut être envoyé par la poste ou courriel. Le dépôt de la plainte est est une procédure sans frais.
  • D’un point de vue juridique, c’est la victime qui doit porter plainte (non pas un(e) ami(e), un(e) partenaire, etc). Si elle dans l’impossibilité de le faire pour des raisons logistiques, linguistiques, émotives, ou autres, elle peut mandater un organisme de défense des droits pour assurer le processus. La CDPDJ pourra alors lui indiquer la marche à suivre.
  • À noter qu’un maximum de trois ans de prescription est possible pour porter plainte, d’où la pertinence de documenter la situation. Voir -> https://www.cdpdj.qc.ca/fr/foire-aux-questions/le-traitement-des-plaintes
  • Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi informer les médias : le MAQ pourrait vous accompagner dans ce processus, ainsi que pour répondre à des demandes d’entrevue.

Si les démarches vont de bon train...

Si vous obtenez une rencontre avec un gestionnaire – ou pour les RCA qui font l’intervention en votre nom :

  • Vous pourrez proposer au personnel de s’informer sur la formation gratuite offerte par la CDPDJ sur le sujet et les inviter à se procurer des affiches gratuites du MAQ

Si la plainte est jugée recevable par la CDPDJ :

  • Le dossier peut se rendre jusqu’au tribunal pour formuler une demande de dédommagements (ex. : lettre d’excuse, dédommagement en argent, etc.)
  • Il est aussi possible de choisir la médiation sur une base volontaire. Une entente à l’amiable et confidentielle sera alors privilégiée.

Mais surtout…

Sachez qu’allaiter dans l’espace public est votre droit. Et que vous pouvez être accompagnée et soutenue si ce droit est enfreint, et ce, sans aucune attente quant à une action (plainte, communiqué aux médias, …) de votre part.

D'autres ressources possibles...

Selon le type d’intimidation que vous avez pu subir en raison de votre allaitement – et selon l’endroit où cela a eu lieu – il est possible que la CDPDJ ne puisse intervenir, car l’espace et les circonstances visés ne relèvent pas de leur champ de compétences.

Il demeure que d’autres ressources pourraient s’avérer appropriées :

  • Le Protecteur du Citoyen :
    « Le Protecteur du citoyen peut vous aider si vous êtes insatisfait des soins de santé ou des services sociaux que vous avez reçus d’un établissement, d’un membre du personnel ou d’un professionnel de la santé qui y travaillent. Il peut également vous aider si vous croyez que vos droits n’ont pas été respectés ou que vous n’avez pas reçu les services auxquels vous avez droit en tant qu’usager. » (Source: Educaloi)
  • La Fédération des centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP) : « La Fédération a pour mission de faire connaître le mandat des Centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP), de les soutenir dans le déploiement de leur mission, de susciter le partage et la concertation entre ses membres, et d’agir comme porte-parole pour tout ce qui concerne leurs intérêts collectifs. » (Source: FCAAP)
  • Les Centres de justice de proximité sont des organismes sans but lucratif implantés dans plusieurs régions du Québec. 
    Leur mission consiste à promouvoir l’accès à la justice en favorisant la participation des citoyennes et des citoyens, par des services d’information, de soutien et d’orientation, offerts en complémentarité avec les ressources existantes. « Les Centres de justice de proximité offrent des services gratuits et confidentiels d’information juridique à tous les citoyens, quels que soient leurs revenus ou la nature juridique du problème rencontré. »

L’allaitement dans l’espace public : un enjeu féministe

En 2022, le MAQ a tenu un webinaire en direct avec les intervenantes suivantes :

  • Isabelle Côté (femme ayant été interpellée au Centre Eaton, mars 2022)
  • Élise Demers (Secrétariat de la condition féminine (SCF))
  • Maître Louise Langevin (Université de Laval)
  • Julie Dumontier (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ))
  • Raphaelle Petitjean (MAQ)

Bon visionnement !

Quelques notions juridiques en plus

Lors du webinaire, des intervenantes se sont prononcées sur plusieurs points forts pertinents pour mieux comprendre comment les femmes allaitantes peuvent être affectées par le manque de soutien à leur égard, voire l’absence d’environnements favorables à l’allaitement. Ci-dessous vous trouverez des renseignements pour approfondir le sujet d’un point de vue juridique.

Est-ce que l’allaitement dans l’espace public doit s’exercer de manière discrète?

La réponse est non. Il ne doit pas y avoir de limitation à ce droit à l’autonomie procréative. Parce que si l’on doit être discrète, cela veut dire que c’est une activité qui dérange – alors ce n’est pas le cas. Le fait de demander à une mère de se cacher ou d’être discrète lors de l’allaitement viole le droit à l’égalité des femmes.

Allaiter dans l'espace public : est-ce un acte indécent?

Un acte indécent en public est une infraction au sens du droit criminel. Or, se retrouver le sein (ou les seins) nu dans l’espace public n’est pas un acte indécent au Québec.

Un acte indécent, selon l’article 173 du Code criminel, c’est être dans un lieu public en présence d’autres personnes et poser un geste indécent. L’indécence est déterminée par ce que la personne raisonnable (le juge ou une analyse du contexte) considère comme tel. C’est habituellement un acte de nature sexuelle, mais pas seulement.

Tant d’un point de vue criminel que d’un point de vue des droits fondamentaux refuser l’allaitement dans l’espace public ou demander aux femmes de le faire discrètement – ou de le faire dans une salle fermée – est une atteinte à leurs droits fondamentaux puisqu’allaiter dans l’espace public n’est pas un acte indécent.

Qu'en dit la Commission des droits de droits de la personnes et des droits de la jeunesse (CDPDJ)?

La CDPDJ, qui a été créée par la Charte québécoise des droits de la personne (1976), a pour rôle de faire appliquer les droits de la Charte.

Si le mot allaitement n’est pas repérable dans la Charte, il demeure protégé par des droits qui s’y trouvent et veillent à protéger les individus de plusieurs types de discrimination.

Deux articles en particulier de la Charte peuvent être évoqués dans un contexte où le respect de l’allaitement dans l’espace public est de mise.

L’article 10 de la Charte indique qu’une personne située au Québec, peu importe son statut, peut bénéficier du droit à l’égalité. Elle n’a pas à subir un traitement différent, désavantageux ou qui l’excluerait de la société basé sur un ou des motifs de discrimination reconnu par la Charte, car cela l’empêcherait d’exercer son droit. Ainsi, une personne qui allaite ne peut pas se faire exclure ou se faire demander d’agir autrement.

L’article 15 de la Charte indique que non seulement on ne peut pas traiter une personne de manière illégale, mais aussi que toute personne a le droit d’accéder aux lieux publics (centres commerciaux, cinémas, etc.). Toute personne peut y avoir accès à égalité et la matière même de l’accès doit être égalitaire. Ainsi, une personne qui allaite a le droit d’être là où elle est. On ne peut l’obliger d’aller vers un lieu dédié à l’allaitement.

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