La pandémie causée par la COVID-19 a mis en évidence la fragilité des acquis en matière d’environnements favorables à l’allaitement, selon un rapport produit par le Mouvement allaitement du Québec (MAQ) au début de septembre. Des solutions y sont d’ailleurs proposées afin de faciliter l’accès à des services essentiels pour les familles de nourrissons.
Rédigé par Karina pour le MAQ
À la veille d’une deuxième vague qui semble imminente, ces solutions visent à combattre l’isolement des familles, à limiter les barrières à l’allaitement et à éviter la reproduction de lacunes flagrantes qui ont jailli dans le Réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) lors des derniers mois, explique Raphaëlle Petitjean, directrice du MAQ. « Il serait inadmissible que ces erreurs se reproduisent puisqu’elles sont facilement évitables ! »
Ce rapport découle d’une analyse de données et de témoignages récoltés par l’intermédiaire d’une série de sondages remplis de manière volontaire par 545 personnes qui se sont identifiées soit comme mère, professionnelle de la santé ou intervenante d’une ressource communautaire en allaitement. « Chaque personne, selon sa position, a une perception différente des effets de la pandémie sur l’allaitement, avance Mme Petitjean. Elles ont toutes vécu une réalité unique et c’est l’assemblage de ces différentes expériences qui permettent de dresser un portrait des difficultés supplémentaires rencontrées par les femmes qui ont voulu allaiter pendant la pandémie. »
Des familles laissées à elles-mêmes
En contexte de crise sanitaire, l’allaitement fait partie de la solution et doit être encore mieux protégé qu’en temps normal, insiste la directrice du MAQ. Les éléments ayant affecté l’allaitement des familles durant la COVID sont nombreux. Transmission de renseignements contradictoires auprès des familles, impossibilité de se déplacer dans les espaces publics avec leur bébé, de louer un tire-lait, d’accéder à un pèse-bébé, en sont quelques exemples.
Mais le manque le plus répandu parmi les familles a été la suspension des rencontres pré et postnatales. « Beaucoup de nouvelles mamans n’ont pas eu de cours prénataux et c’est dommage ! Parfois il est difficile pour elles de savoir à quelle porte cogner en cas de difficulté et je crains que cela ne se soit traduit (plus vite qu’en temps normal) par un abandon de l’allaitement », a raconté une bénévole d’une ressource communautaire dans un sondage.
À cela s’est rajoutée la détérioration de la communication entre le RSSS et les ressources communautaires en allaitement et, par conséquent, du référencement vers ces ressources. Dans le secteur communautaire, 54 % des intervenantes en allaitement ont rapporté que la diffusion de leur offre de services a été interrompue partiellement, ou complètement, par le réseau de la santé.
Puis, le référencement a chuté – près du tiers du personnel de la santé n’a pas su où diriger les femmes enceintes qui cherchaient de l’information sur l’allaitement ou qui auraient souhaité bénéficier d’un accompagnement – alors que la majorité des ressources communautaires en allaitement offrait toujours des services de soutien à distance et a assuré des rencontres virtuelles de groupe. Elles se sont avérées « être ainsi de précieuses alliées du RSSS pour pallier la suspension des rencontres pré et postnatales en présentiel offertes en temps normal », souligne Mme Petitjean.
Des femmes et des bébés davantage fragilisés
Les conséquences de « ces barrières à l’amorce ou à la poursuite de l’allaitement » sont d’autant plus regrettables, selon Mme Petitjean, car elles peuvent contribuer, d’une part, en un arrêt précoce de l’allaitement, alors qu’il contribue de plusieurs façons au système immunitaire du bébé, et d’autre part, à une dégradation de la santé mentale des mères, déjà affectées par l’isolement engendré par la pandémie. « Il existe des recherches qui démontrent que les mères qui échouent à atteindre leurs objectifs d’allaitement dans les premières semaines sont davantage prédisposées à faire une dépression postpartum. »
Selon les données récoltées, 76 % du personnel de la santé et 82 % des intervenantes des ressources communautaires ont indiqué que le manque de préparation ou de soutien à l’allaitement par l’intermédiaire de rencontres prénatales a eu un impact négatif sur l’expérience d’allaitement de leurs clientes et utilisatrices. Les chiffres récoltés auprès de ces deux groupes sont sensiblement les mêmes pour ce qui est de leurs observations quant à l’impact négatif qu’a occasionné la suspension ou la diminution des rencontres postnatales chez les parents.
Quand la motivation ne suffit pas
Du fait de la pandémie, 95 % des mères interviewées étaient d’autant plus motivées à poursuivre l’allaitement sachant que leur lait protègerait leur bébé. « Mais il reste du travail à faire pour protéger l’allaitement, qui est vital en situation d’urgence sanitaire, puisqu’il s’agit du mode d’alimentation le plus sûr et le plus adapté aux besoins de l’enfant, particulièrement en situation de crise. »
Si le désir de maintenir l’allaitement était au rendez-vous, la réalité vient souvent complexifier les choses et entraver la décision des parents, comme l’expose une bénévole d’une ressource communautaire et répondante d’un sondage : « (…) les abandons ont été plus précoces. Les difficultés rencontrées ont semblé plus insurmontables (…) Bref, la moindre difficulté avec l’allaitement était une difficulté de trop s’ajoutant au stress de la pandémie. »
Et malgré les efforts des ressources communautaires en allaitement à vouloir accommoder de manière virtuelle les familles allaitantes, le soutien à distance comporte des limites. Il ne permet pas d’identifier ni de résoudre certaines problématiques liées à l’allaitement.
Des solutions faciles à implanter
L’objectif du rapport était de mieux identifier les mesures à prendre pour protéger l’allaitement et assurer un soutien adéquat aux femmes qui décident d’allaiter en contexte de pandémie. Pour mieux répondre à leurs besoins, le MAQ a émis 52 recommandations à l’attention de ministères provinciaux, tels que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et le ministère de la Famille, entre autres.
Des ajustements tels que « encourager le personnel de la santé (…) à communiquer aux familles les renseignements sur les ressources communautaires en allaitement » ou « reconnaître le parent accompagné d’un enfant qui n’est pas libre de se déplacer seul comme un seul individu » sont encouragés.
Les solutions proposées sont faciles à mettre en place, car elles ne requièrent pas une mobilisation importante de ressources pour y parvenir, argumente Mme Petitjean. Elles ont d’ailleurs été évaluées par une répondante en allaitement en milieu hospitalier.
Le rapport a été acheminé aux ministères concernés et le MAQ attend de plus amples renseignements pour la suite des choses.
Crédit photo : Fernando Zhiminaicela