Gribble, K.D., Smith, J.P., Gammeltoft, T., Ulep, V., Van Esterik, P., Craig, L., Pereira-Kotze, C., Chopra, D., Siregar, Mohammad Hajizadeh, A.Y. M., and Mathisen, R. Breastfeeding and infant care as ‘sexed’ care work: reconsideration of the three Rs to enable women’s rights, economic empowerment, nutrition and health. Front. Public Health, Sec. Public Health Policy. Volume 11 – 2023. October 11, 2023. DOI: https://doi.org/10.3389/fpubh.2023.1181229
Résumé de l’étude
La santé et l’état nutritionnel des femmes tout au long de leur vie sont étroitement liés à leurs antécédents reproductifs, dont le nombre de grossesses et d’accouchements, l’espacement des naissances, ainsi que la durée et l’exclusivité de l’allaitement. La biologie reproductive des femmes est quant à elle étroitement influencée par leurs rôles sociaux et leur situation, notamment au regard des désavantages économiques qu’elles subissent et de la charge disproportionnée de travail non rémunéré qui leur incombe.
Reconnaître, réduire et redistribuer les tâches domestiques et parentales réalisées par les femmes (les trois R) est un cadre conceptuel bien établi pour lutter contre les inégalités du travail de soins non rémunéré des femmes. Cependant, l’allaitement, une activité de soin non rémunérée, pose un dilemme, et constitue même un sujet de discorde pour les personnes qui militent en faveur de l’autonomisation des femmes, car réduire l’allaitement et le remplacer par des préparations commerciales pour nourrissons comportent des risques pour la santé des femmes et des enfants. Il est donc nécessaire de reconnaître les interactions entre la biologie reproductive des femmes et la prestation de soins aux nourrissons afin de promouvoir les droits des femmes et de permettre aux gouvernements de mettre en œuvre des politiques relatives à l’économie, à l’emploi et à d’autres domaines pour favoriser l’autonomisation des femmes.
Dans cet article, nous soutenons que l’allaitement, tout comme l’accouchement, est un travail de soins dont la charge ne devrait pas être réduite et dont la responsabilité ne peut être redistribuée directement aux pères ou à d’autres personnes. Nous estimons plutôt que l’approche des trois R devrait être reconceptualisée de manière à ce que l’allaitement soit considéré comme un travail de soins « sexué » qui devrait être soutenu, et non réduit, et que des mesures devraient être prises pour éviter de nuire à l’allaitement. Par conséquent, les initiatives en faveur de l’égalité entre les genres devraient être analysées en fonction de leur effet sur la capacité des femmes à allaiter.
Cette reconceptualisation nécessite aussi des ajustements au sein des principales institutions économiques internationales et des systèmes nationaux de collecte de données pour reconnaître adéquatement la valeur de ce travail. De plus, des mesures structurelles supplémentaires, comme la protection des femmes durant la période périnatale et l’accès aux services de garde, s’avèrent essentielles pour éviter que la maternité et l’allaitement ne désavantagent les femmes dans le cadre des efforts visant à réduire les écarts de rémunération entre les genres et les inégalités sur le plan économique. Enfin, des interventions politiques distinctes sont également nécessaires pour faciliter l’engagement des pères dans la promotion et le soutien de l’allaitement par le partage des autres tâches non rémunérées et chronophages liées au travail de soins, tant pour les soins aux nourrissons et aux jeunes enfants que pour les tâches domestiques.
Conclusion de l’étude
Les trois R appellent à la reconnaissance, à la réduction et à la redistribution du travail de soins non rémunéré des femmes. Cependant, l’allaitement constitue une activité de soin particulière. Son caractère sexué, tout comme le droit à l’allaitement dont disposent les femmes et les enfants, suppose que cette activité de soin soit reconnue, mais qu’elle soit exclue des efforts de réduction et de redistribution. Il convient plutôt de soutenir les femmes dans leur travail de soins auprès des nourrissons et des jeunes enfants, y compris dans l’allaitement, et de prendre des mesures pour éviter de compromettre la capacité des femmes à allaiter.
Il est nécessaire de reconnaître davantage la valeur économique de l’allaitement dans le continuum de la santé reproductive et de l’intégrer dans les indicateurs économiques, les politiques et les budgets. L’objectif ne devrait pas être de réduire la quantité de soins directs que les mères prodiguent à leurs nourrissons et à leurs jeunes enfants allaités, mais de réduire le temps et l’énergie consacrés aux autres tâches domestiques et parentales. Cette approche favoriserait la nutrition, la santé et le bien-être des femmes et de leurs enfants, tout en contribuant aux sociétés dans lesquelles vivent les mères, les pères et les enfants.
Les mesures favorables à l’allaitement, comme le congé de maternité rémunéré, les accommodement sur le lieu de travail et le soutien informel, ne protègent pas seulement la santé et les droits des femmes et des enfants. Elles apportent également une contribution substantielle aux sociétés en facilitant la pratique de l’allaitement, qui concoure au maintien d’une population en bonne santé. En adoptant une approche sociale collective, les coûts économiques de la prestation de soins aux nourrissons et aux jeunes enfants ne pèseraient pas aussi lourdement sur les femmes. Les modalités précises de cette démarche devront bien entendu tenir compte du contexte national.
Toutefois, en résumé, plutôt que de redistribuer l’allaitement et les soins aux nourrissons, nous devrions redistribuer le coût de ces soins. Nous devrions nous efforcer de soutenir le travail de soins qui est sexué par nature et de répartir les autres soins de manière plus équitable entre les hommes et les femmes, la communauté et l’État, au bénéfice des femmes, des enfants et de la société dans son ensemble.
Traduction pour le MAQ : Marylie Roger, trad. a.
(avec l’autorisation des autrice.eur.s)
Crédit photo: Nataliya Vaitkevich