Smith, J., Lande, B., Johansson, L., Baker, P., & Bærug, A. (2022). The contribution of breastfeeding to a healthy, secure and sustainable food system for infants and young children: Monitoring mothers’ milk production in the food surveillance system of Norway. Public Health Nutrition, 25(10), 2693-2701. doi:10.1017/S1368980022001495
La contribution de l’allaitement à un système alimentaire sain, sûr et durable pour les nourrissons et les jeunes enfants : l’inclusion de la production de lait maternel dans le système alimentaire de la Norvège
Mise en contexte
Les estimations de la production de lait maternel par les femmes norvégiennes font partie des statistiques alimentaires de la Norvège depuis près de trois décennies. La société tire des avantages économiques liés à une prévalence élevée de l’allaitement, car cela permet de réduire les coûts des traitements médicaux et d’éviter une morbidité et une mortalité excessives. (…)
Malgré leur importance pour la nutrition infantile et la santé publique, les principaux rapports sur les systèmes alimentaires [des autres pays] n’incluent pas les femmes qui allaitent et la production de lait maternel. Il s’agit d’une omission remarquable, étant donné que les nourrissons et les jeunes enfants (0-36 mois) représentent 6 % de la population mondiale, qui consomment des quantités importantes de lait maternel comme source alimentaire de base dans tous les pays. (…)
Les systèmes alimentaires et les mécanismes de suivi qui ignorent l’allaitement ne parviendront vraisemblablement pas à identifier les aspects importants de l’interaction des enfants avec le système alimentaire, ni les principales lacunes et opportunités pour répondre à leurs besoins alimentaires. (…)
Il est maintenant reconnu que plusieurs facteurs façonnent les pratiques d’allaitement: les contextes structurels et culturels, les services de santé, les influences commerciales, les cadres familiaux et professionnels, ainsi que les facteurs individuels. Soulignant du même coup le rôle important des politiques pour protéger, promouvoir et soutenir l’allaitement, un élément important mais négligé des stratégies pour des systèmes alimentaires durables.
Dans une perspective contemporaine, l’inclusion du lait maternel dans les statistiques de production alimentaire ne souligne pas seulement sa valeur pour les pays en tant que ressource économique.
Objectif de l’étude :
La dyade allaitante mère-enfant représente une puissante ressource pour instaurer des systèmes alimentaires sains, sûrs et durables. Cependant, les rapports sur les systèmes alimentaires excluent l’allaitement et le lait maternel. Pour aider à corriger cette omission et donner aux femmes qui allaitent une plus grande visibilité dans la réflexion, le dialogue et l’action sur ces systèmes, nous illustrons comment estimer la production de lait maternel et comment l’intégrer dans les systèmes de surveillance alimentaire, en nous appuyant sur l’expérience pionnière de la Norvège pour démontrer la valeur éventuelle d’une telle analyse.
Paramètres de l’étude :
Les calculs se basent sur les données sur le nombre d’enfants (en pourcentage) nourris au sein à chaque mois de vie (0-24 mois), le nombre annuel de naissances vivantes ainsi que des estimations sur la consommation quotidienne de lait maternel à chaque mois. De nouveaux indicateurs sont pris en compte pour les comparaisons dans le temps et d’un pays à un autre.
Cadre de l’étude :
Il est estimé qu’une femme allaitante produit en moyenne 306 litres de lait pendant 24 mois de lactation.
Participantes:
Les données concernant le nombre annuel de naissances vivantes proviennent de Statistics Norway. Les données relatives à l’allaitement maternel à chaque mois, entre 0 et 24 mois (d’âge de vie de l’enfant), proviennent des enquêtes officielles de 1993, 1998-1999, 2006-2007, 2013 et 2018-2019.
Résultats :
On estime que la production totale de lait maternel par les mères norvégiennes a augmenté de 8-2 à 10-1 millions de litres par an entre 1993 et 2018-2019. La production annuelle par habitant est passée de 69 à 91 litres par enfant âgé de 0 à 24 mois. (…)
L’augmentation depuis 1993 en Norvège montre le potentiel d’une augmentation substantielle de la production de lait maternel, en particulier si des politiques et des programmes favorables sont mis en place.
Conclusions :
Le lait produit par les femmes allaitantes est un élément reconnu dans les statistiques de l’approvisionnement alimentaire en Norvège. L’expérience de la Norvège et les résultats de cette étude suggèrent la faisabilité, et l’utilité, d’inclure le lait maternel dans les systèmes de surveillance alimentaire en tant qu’indicateur de la sécurité alimentaire et de la qualité du régime alimentaire.
Le chiffre annuel par habitant de la production de lait maternel par enfant est particulièrement utile, car cet indicateur crée une nouvelle base pour évaluer les tendances au sein d’un pays ainsi que pour mener des comparaisons entre les pays. La quantité de la production potentielle de lait humain qui est « perdue » indique également le potentiel d’amélioration par rapport à un point de référence défini, ce qui s’avère résolument pertinent pour la nutrition du domaine de la santé publique.
Bien que la valeur de l’allaitement maternel soit considérablement supérieure à ce qui peut être mesuré par le volume de lait fourni, la disponibilité de telles données dans les statistiques alimentaires est importante pour plusieurs raisons pour les décideurs et décideuses en matière de nutrition, de santé et d’économie. Inversement, l’absence de données concernant l’allaitement et le lait maternel dans les statistiques alimentaires a des conséquences stratégiques importantes, en particulier lorsque des changements sociaux sont en cours.
La production de lait par les mères d’une nation peut être considérée non seulement comme contribuant à la sécurité alimentaire et à l’adaptation nationale, mais aussi à la réalisation des Objectifs de développement durable. Les documents politiques influents actuels appellent à des systèmes alimentaires plus sains et durables. L’allaitement étant un tel système, nous recommandons que les cadres conceptuels des systèmes alimentaires ainsi que les systèmes de surveillance reconnaissent le lait maternel en l’incluant dans une catégorie de production alimentaire. Cela permettrait de sensibiliser les acteurs clés, tels que les fonctionnaires impliqués dans les systèmes de contrôle et de surveillance des aliments, ainsi que les statisticiens de la gestion et de l’économie, à cette importante ressource alimentaire nationale et mondiale.
Traduction libre par le MAQ
Crédit photo: Timothy Meinberg