Gemma Bridge, Consider the Whole Picture When Discussing Infant Formula and Breast Milk,The Journal of Nutrition, Volume 151, Issue 6, June 2021, Pages 1375–1377. doi.org/10.1093/jn/nxab132
Les auteur(e)s de ce commentaire signalent qu’il est important d’avoir un aperçu général des causes et des effets d’une décision potentielle lorsque vient le moment de considérer quelle alimentation est préférable pour son nourrisson.
- Bien que les préparations commerciales pour nourrissons (PCN) soient conçues comme un substitut efficace à l’alimentation d’un enfant, et que des efforts aient été déployés pour que son contenu nutritionnel tente de se rapprocher à celui du lait maternel, l’alimentation à base de PCN a ses limites.
- Recourir aux PCN peut avoir un effet dissuasif sur la poursuite de l’allaitement, notamment autour de l’âge de 12 à 15 mois. De plus, des études démontrent qu’une alimentation aux PCN peut contribuer au surpoids dans l’enfance et plus tard dans la vie.
- Le recours aux PCN entraîne aussi des conséquences sur la santé environnementale et les changements climatiques. Par exemple, la production laitière liée à la chaîne d’approvisionnement des PCN génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre, de la pollution de l’eau et des déchets plastiques, et ce, avant même de tenir compte des impacts environnementaux à l’étape de la vente au détail et de l’utilisation par les ménages.
- Malgré les impacts humains et environnementaux, les ventes des PCN continuent de prendre de l’ampleur. Des données récentes indiquent que les ventes mondiales de PCN ont augmenté de 121,5 % entre 2005 et 2019, passant de 3,5 à 7,4 kg/enfant.
- Les recherches révèlent des liens entre l’augmentation de la consommation des PCN et l’augmentation des revenus ; l’urbanisation ; les normes sociales, la médicalisation, la mondialisation de l’industrie alimentaire pour bébés, l’augmentation du nombre de femmes qui travaillent, l’industrialisation de la production laitière et l’évolution des canaux de distribution des pharmacies, des supermarchés, et des magasins en ligne.
- Ces augmentations sont encouragées par une forte commercialisation des PCN ciblant les consommatrices et consommateurs par des messages qui tiennent compte des « styles de vie bien occupés » et de « mères pressées par le temps ».
- Les auteur(e)s du commentaire signalent qu’il est nécessaire d’orienter, de contrôler et de réglementer les produits d’alimentation alternatifs, notamment par l’intermédiaire d’engagements politiques afin de soutenir l’allaitement. Notamment en raison de l’évolution des conditions météorologiques et d’autres crises liées aux changements climatiques, qui sont exacerbées par les émissions de gaz à effet de serre liés aux PCN.
Une perspective exempte de jugements de valeur
- Malgré les critiques factuelles formulées à l’encontre des PCN, il est nécessaire de considérer l’ensemble du tableau et de ne pas tomber dans la diabolisation des PCN.
- Pour certaines mères, l’allaitement est difficile, voire impossible, ce qui peut entraîner une perte de poids chez le nourrisson.
- Pour certains enfants, comme ceux nés de mères infectées par le VIH, par exemple, les PCN pourraient constituer une source d’alimentation plus sûre.
- Même chez les mères qui peuvent allaiter, il faut reconnaître les obstacles à l’allaitement qui existent actuellement, telle que la mondialisation du marché des PCN qui influencent les décisions en matière d’alimentation.
- L’augmentation des femmes sur le marché du travail et l’absence (ou le temps limité) du congé parental rémunéré peuvent inciter les femmes à opter pour d’autres pratiques alimentaires. À titre d’information, une revue systématique de 2015 portant sur 25 études dans 19 pays a révélé que le retour des femmes au travail était l’obstacle le plus fréquent à l’allaitement maternel exclusif.
- Les mères qui ne bénéficient pas d’un soutien social bienveillant éprouvent plus de difficulté à amorcer et poursuivre l’allaitement, en particulier chez les nouvelles mères. Un soutien pragmatique, qui comporte des conseils sur l’allaitement, l’intervention (au besoin) de consultantes en lactation, le prêt d’outils tels que les tire-laits, etc., peuvent faciliter l’expérience de l’allaitement.
- La décision d’allaiter ou de recourir à des PCN peut reposer sur plusieurs facteurs. Le plus important est de ne pas infliger de la honte ou de stigmatiser une personne pour sa décision. Cela pourrait avoir des effets négatifs sur la santé et le bien-être des mères et de leur nourrisson.
- Il demeure que le développement sain d’un enfant ne se limite pas à son alimentation.
Conclusion
- Des recherches qualitatives explorant les expériences vécues par les mères et les parents sont nécessaires afin d’identifier les facteurs ayant mené à leur décision d’allaiter ou d’utiliser des PCN, et ce, afin de mieux les soutenir dans leur décision.
- Il reste que des actions visant à promouvoir l’allaitement sont souhaitables et devraient inclure la réglementation du marketing des PCN – lequel est à l’origine d’une baisse de l’amorce de l’allaitement, ainsi que de sa durée et de son exclusivité. Dans cette optique, la distribution d’échantillons gratuits de PCN, notamment dans le réseau de la santé, devrait être freinée.
Crédit photo: Kevin Turcios